Les « Zones à défendre », un nouveau mode de contestation environnemental en France
Pour la première fois depuis 1974, aucun candidat écologiste ne s’est présenté aux élections présidentielles en mai dernier. Doit-on y voir un désintérêt des Français quant aux problématiques environnementales ? Cela semble peu probable au vu des programmes des candidats de gauche comme de droite, axés sur une croissance économique plus respectueuse de l’environnement. Néanmoins, la déception de la population suite aux promesses non tenues des présidents Sarkozy (le Grenelle de l’environnement peu efficace) et Hollande (pas de fermeture officielle de Fessenheim, arrêt de l’écotaxe) a entraîné une radicalisation des écologistes, pour défendre le territoire contre un modèle économique énergivore.
La contestation environnementale se fait désormais à l’échelle locale : les militants occupent certaines zones en permanence pour s’opposer à des projets d’infrastructures jugés néfastes pour le territoire, et empêcher les travaux de débuter. Ces territoires, ou « Zones à défendre », sont une nouvelle manière pour ces activistes de lutter pour l’environnement.
La plus emblématique des ZAD se trouve à 20 kilomètres de Nantes, à Notre-Dame-des-Landes : depuis 2007, plusieurs centaines de militants – des exploitants agricoles, des riverains – occupent ce territoire sur lequel doit être construit le nouvel aéroport du Grand Ouest. Ces occupants bénéficient du soutien de grandes ONG internationales (WWF, Greenpeace) ou d’Europe Ecologie-Les Verts, et usent de l’arme juridique (à la Cour de Justice Européenne) ou de manifestations pour faire entendre leur voix.
Ce bras de fer avec l’Etat semble pour le moment porter ses fruits, grâce à une stratégie bien précise.
Tout d’abord, l’occupation permanente de la ZAD a pour but de retarder les travaux mais aussi de gagner du temps jusqu’à remporter le procès juridique, ou de se rapprocher d’échéances électorales qui paralysent le gouvernement. Les militants qui occupent illégalement ces zones cherchent également à résister aux interventions de l’Etat. A Notre-Dame-des-Landes, ces derniers avaient érigé des barricades et s’étaient même dotés d’une radio pirate (Radio Klaxon), pour se prévenir d’éventuels raids policiers.
Enfin, les activistes doivent obtenir un soutien régional ou national à l’aide d’une communication efficace. En effet, la mort de Rémi Fraisse, jeune militant écologiste tué par grenade dans la ZAD de Sivens (Tarn), a entraîné une contestation nationale contre l’action gouvernementale dans la zone, jusqu’à l’abandon du projet par Ségolène Royal en 2014. L’Etat paraît impuissant face à ce nouveau mode d’affrontement. François Hollande a d’abord été critiqué pour ses excès de force à Notre-Dame-des-Landes (l’opération César d’évacuation de la zone menée en 2012 par Jean-Marc Ayrault ayant blessé une trentaine de militants), puis considéré comme faible lorsque l’abandon du projet a été évoqué.
Néanmoins, le phénomène d’occupation des ZAD rencontre encore quelques limites, qui peuvent discréditer leur image à l’échelle du pays.
L’Etat dénonce dans un premier temps l’absence de cohésion entre les militants, qui peuvent être des écologistes modérés comme des activistes d’extrême-gauche ou anarchistes, peu prompts à négocier avec celui ci. Les débordements de certaines manifestations écornent alors leur mouvance. De même, l’occupation de la zone de Notre-Dame-des-Landes n’est plus forcément bien vue par la population locale, victime de cambriolages ou de dégradations. Une partie de cette population soutient ainsi le projet d’aéroport pour permettre le départ des militants.
Malgré cela, les ZAD semblent mettre l’Etat dans l’impasse. En effet, Nicolas Hulot vient de se prononcer en faveur de l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, rapprochant les écologistes d’un succès décisif. Alors que les ZAD fleurissent partout en France, cette victoire risque d’étendre encore plus ces conflits socio-politiques. A mesure que la population se sensibilise à la dégradation environnementale des territoires, les ZAD pourraient être l’avenir de l’action écologiste en France.